jeudi 9 mars 2017
lundi 6 mars 2017
Les prix de l’immobilier devraient baisser de 30% dans les années à venir
Les prix de l’immobilier devraient baisser de 30% dans les années à
venir
La prévision d’une baisse
importante des prix de l’immobilier français, d’environ 30% est régulièrement
annoncée[1].
Moins la raison de cette baisse, qui nous le verrons, repose sur plusieurs
facteurs inéluctables.
- Le vieillissement de la population :
La population française vieillit.
La génération des baby-boomers arrive progressivement à l’heure de la retraite.
Au-delà des difficultés de financement de leurs retraites, les papys-boomers
auront un impact essentiel sur la valeur des biens immobiliers. Certes, il est
évident que la mort prochaine des baby-boomers va mettre un certain nombre de
biens immobiliers sur le marché par l’intermédiaire de leurs héritiers. Mais il
existe un impact plus immédiat de l’âge sur l’immobilier. En effet, l’acte
d’achat d’un bien immobilier est intimement lié à l’âge. Le désir d’acheter
dépend de l’âge et en tenant compte de la pyramide démographique française, on
peut en déduire que le désir d’acheter baissera. Or, les baby-boomers, qui sont
les détenteurs du plus grand pouvoir d’achat en France, sont en train de
basculer du statut d’acheteurs nets (qui va jusqu’à 58 ans), vers le statut de
vendeurs nets. La raison est qu’avec l’âge on cherche à revendre un bien devenu
trop grand ou inadapté. La demande de biens immobiliers n’augmentera donc plus
structurellement en France, comme elle le faisait jusqu’à présent depuis 1965
(+48% depuis 1965). Elle devrait rester stable désormais (il faut bien avoir en
tête qu’il s’agit du nombre des gens qui ont le désir d’acheter, pas du nombre
d’acheteurs effectif). Le ratio entre vendeurs et acheteurs s’est inversé
depuis 2005, le nombre d’acheteurs potentiels étant devenu inférieur au nombre
de vendeurs potentiels. Pour les 25 ans à venir, tous les 5 ans il y aura 1,3
millions de personnes de plus de 60 ans en plus.
- Des prix trop élevés pour les salaires :
On observe que sur le long terme,
la hausse des prix de l’immobilier doit suivre la hausse des salaires.
Cependant il y a une dé-corrélation de 32% entre les salaires des français et
les prix de l’immobilier. Ce qui pousse le FMI à dénoncer l’existence d’une
bulle immobilière en France[2].
L’inaccessibilité de la propriété ne peut à terme qu’exercer une pression
baissière sur les prix de l’immobilier en raison d’une demande affaiblie.
- La remontée des taux et l’octroi de prêts immobiliers à la
française :
Le marché des crédits immobiliers
en France est tout à fait particulier. En effet, contrairement à de nombreux
pays, tels que les Etats-Unis, le Royaume-Uni, ou l’Espagne, la France n’a pas
connu de bulle du crédit immobilier. Lors de la crise de 2008, il y avait dans
les autres pays une bulle immobilière et une bulle du crédit (les deux bulles
s’alimentant réciproquement). En France, il n’en était rien, et aujourd’hui
encore, seule une bulle immobilière existe. Les banques françaises ont toujours
eu une politique exigeante en matière d’octroi de crédit. L’absence presque
totale de produits structurés (tritisés), ou d’emprunts hypothécaires, ne
facilite pas non plus une distribution plus vaste du crédit. Ainsi, le crédit
est réservé à une quantité assez limitée d’emprunteurs. Cette limitation de
l’accès au crédit a certes contenu la hausse des prix de l’immobilier, qui sans
ça serait encore plus forte, mais elle a aussi rendu le marché des prêts
immobiliers restreint à une dimension plus étroite. En conséquence, sur ce
marché déjà limité, toute hausse des taux serait une limitation supplémentaire
de l’accès au crédit. Or, plus on limite l’accès au crédit, plus on fait
baisser la demande, et donc les prix de l’immobilier. C’est d’autant plus
inévitable que la hausse des taux ne tardera pas[3].
- L’inertie de l’économie française :
L’inertie en France est prégnante.
Lors de la crise de 2008, la majeure partie des pays ont connu des récessions
brutales et importantes. Ce ne fut pas le cas en France en raison de la
structure de l’économie et de la société française, fortement réglementée, et
donc fortement entravée dans ses mouvements. Cela peut être un avantage, car
personne ne peut décemment souhaiter être malmenée radicalement, et ainsi les
crises se ressentent plus en douceur. Cependant, selon ce modèle les crises
bien d’adoucies, durent plus longtemps et s’imprègnent durablement. Il est donc
bien plus difficile pour une économie de rebondir pour passer à autre chose,
comme le font les autres pays qui connaissent une croissance bien meilleure. Ce
particularisme français nuit au processus de destruction créatrice théorisée
par l’économiste Joseph Schumpeter. Concrètement, dans le cadre de la future
crise immobilière, il en résultera une baisse molle des prix sur plusieurs
années, entrainant une morosité de l’immobilier au moins pour 10 ans (voire 20 ans),
corrélativement au vieillissement de la population. La tendance sera alors
durable, et si avec une baisse annuelle de 3% des prix la chose ne parait pas
catastrophique, sur le long terme la perte sera de 30%. Dès lors le terme de
crise est parfaitement adapté à la situation. Généralement ce seront les
baby-boomers qui absorberont la perte car ils constituent la majorité des
propriétaires en France, et surtout leurs héritiers indirectement (qui par
conséquent verront leur part successorale réduite d’autant au moment de la
réalisation du bien). Plus dramatique, les primo-accédants seront ceux pour qui
la baisse des prix sera la plus douloureuse. En effet, ils s’endettent
actuellement (certes à bon compte) pour acheter des biens 30% trop chers par
rapport à leur futur prix. Pour eux la perte sera nette. Dans le marché de
l’investissement locatif, les choses ne devraient pas aller mieux. Les
rendements étaient déjà peu intéressants, ils pourraient devenir négatifs, ce
qui ne risque pas non plus de favoriser la construction dans le neuf.
Pour conclure, bien que l’achat
d’un bien immobilier ne soit pas toujours un acte rationnel en terme
économique, il faudra inclure le risque de moins-value à moyen et long terme
dans ses calculs. La projection d’une baisse des prix de 30% est considérable,
rendant difficile la limitation des pertes. Néanmoins, il restera
vraisemblablement des zones toujours tendues en termes d’accès aux logements,
et il sera toujours possible de réaliser des travaux dans l’ancien pour le
faire monter en gamme. Tout cela pourrait permettre de limiter le choc de la
baisse, mais raisonnablement pas l’annuler. Enfin, si la situation des propriétaires confrontés à une baisse des prix est problématique, il convient de garder à l'esprit que mobiliser beaucoup d'argent dans la pierre est assez vain, voire néfaste pour l'économie. Certes, il y a une tendance lourde en France à investir de manière figée dans la pierre, mais cela se fait au détriment d'investissements dans les entreprises, ce qui n'est pas le plus judicieux dans une compétition économique mondiale.
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