Cet article vise à renverser le mythe du complot racial des pays riches
à l’encontre de l’Afrique, pour piller ce continent. Il se veut également le
support d’une réflexion plus profonde sur un sujet maltraité. Tous les faits
avancés sont issus de sources fiables, et consultables. Évidement, la liste des faits présentés n'est pas exhaustive, mais se veut une représentation fidèle du mouvement global des transferts financiers entre Afrique et occident.
1) Les transferts de capitaux.
Dans le cadre d’un pillage d’un continent par un autre, les transferts
de capitaux devraient logiquement partir du continent pillé pour arriver vers
le pays pilleur. Logique. Mais qu’en est-il réellement ?
a) Les transferts effectués par la diaspora.
Selon la Banque Mondiale[1]
575 milliards de dollars ont été
transférés par les migrants résidant dans les pays développés vers les pays en développement
(82 milliards pour l’Afrique et le Moyen-Orient). Ironie de la situation, entre
60 et 80 milliards c’est le montant estimé du coût de l’évasion fiscale pour la
France par les associations d’extrême gauche[2].
Pour certains pays africains,
cette manne financière représente même plus de 30% de leur PIB[3],
signe de son caractère extrêmement profitable pour ces derniers.
Pays
|
Argent reçu/PIB
|
Liberia
|
31
|
Gambie
|
22
|
Comores
|
20
|
Lesotho
|
18
|
Sénégal
|
14
|
b) Les transferts effectués par les Etats.
En matière d’aide financière directe,
les pays développés envoient chaque
année 55 milliards en Afrique[4]
(dont 3 milliards pour la France, et 9 milliards pour les États-Unis), et 150
milliards pour l’ensemble de la planète. A lui seul, le Congo reçoit en moyenne
3,7 milliards par an. Plus de 40% de ces sommes sont utilisées directement pour
faire de l’aide sociale, et moins de 10% vont pour le développement de la
production dans ces pays. Par conséquent, avec une telle répartition, l’aide
étrangère ne peut absolument pas conduire au développement de l’Afrique, mais
maintient le continent sous perfusion. Ainsi, des pays comme le Liberia se
retrouvent avec une aide occidentale représentant 73% de leur PIB[5].
Par ailleurs, 45 millions de personnes sont nourries
chaque année par l’aide alimentaire internationale (World Food Programme)[6],
avec bien souvent des denrées alimentaires provenant des pays développés.
Annulation de dettes – Le FMI a effacé en 2005 la dette de 19 pays
pauvres, dont 13 pays africains, à hauteur de 100%, pour un montant de 3 milliards[7]
(cela concerne le Bénin, le Burkina Faso, l’Ethiopie, le Ghana, Madagascar, le
Mali, le Mozambique, le Niger, l’Ouganda, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et
la Zambie). Toujours en 2005, le G8
annule pour 61,6 milliards de dette de pays africains, en pure perte,
puisque les états ayant bénéficiés de la mesure en ont profité pour s’endetter
de nouveau, multipliant ainsi leur dette par trois pour certains[8].
La Russie quant à elle a annulé 20
milliards de dette des pays africains récemment[9].
Retraites - Enfin il convient de préciser les transferts de
capitaux liés aux retraites, puisque la France possède un modèle de financement
de ses retraites par répartition. Cela signifie donc que les retraites versées
actuellement n’ont pas été cotisées puis restituées sous forme de rentes, mais
que les salariés actuels financent directement les retraites actuellement
versées. Par conséquent, il faut également prendre en compte les versements de
retraites en Afrique. La Cour des Comptes[10]
chiffre à 2,3 milliards d’euros par an le
montant des retraites versées rien qu’au Maroc, en Algérie, et en Tunisie.
Précisons en outre, que toutes les retraites versées ne sont pas des retraites
contributives, et qu’il y a en plus 3,2
milliards par an de retraites versées au titre du minimum vieillesse (ASPA,
ASI) sans aucune cotisation préalable, ni contrôle du respect de la condition
de résidence en France, pourtant nécessaire en théorie.
c) Les transferts effectués par les
investisseurs en Afrique.
Les investissements privés
étrangers en Afrique représentent 59 milliards
par an selon les Nations Unies[11].
Ces fonds proviennent une fois encore des pays développés accusés de piller le
continent africain.
2) Les transferts de matières premières.
Clarification – En tout
premier lieu, il faut lever une ambiguïté extrêmement idiote qui consiste à
considérer les achats de matières premières aux pays en développement comme un « pillage »
de leurs ressources. Or, qualifier une transaction commerciale de pillage ou de
vol, c’est parfaitement grotesque. En effet, qui pourrait affirmer en toute
bonne foi que lorsqu’il va acheter ses courses au supermarché du coin, il est
en train de commettre un pillage du supermarché ? Cette conception de l’économie
relève assurément de la psychiatrie, et surement pas de l’analyse économique.
En second lieu, la notion de « pillage » est avancée pour
dénoncer des achats de matières premières fait à des prix ridiculement bas. Or,
malheureusement pour les consommateurs européens, l’Afrique ne pratique pas de
prix d’amis avec eux, bien au contraire. A cet égard, il est possible de citer
le cas de l’OPEP, qui limite sciemment sa production de pétrole afin de gonfler
artificiellement son prix de marché[12].
Je laisse le soin aux lecteurs d’apprécier l’hypothèse d’une situation inverse,
où les pays riches se coaliseraient pour décider de faire monter les prix des
ressources nécessaires aux pays en développement, et les commentaires
scandalisés que cela susciterait en toute hypocrisie.
a) L’or.
Parmi les 20 premiers pays
producteurs d’or de la planète, seulement 4 sont africains[13]
(ce qui inclut l’Afrique du Sud, qui n’est pas un pays clairement en développement).
Ainsi parmi ces 20 pays, les pays
africains (hors Afrique du Sud) ne représentent que 8% de la production mondiale
(soit l’équivalent de 7 milliards d’euros au prix de la tonne d’or). Une goutte
d’eau, notamment à côté de la Chine qui représente 18% de la production à elle
seule, et qui ne semble pas émouvoir les bonnes consciences sur le « pillage »
de ses matières premières.
b) Les diamants.
En ce qui concerne les diamants l’Afrique
est mieux placée (hors Afrique du Sud), car elle totalise 53% de la production
mondiale de diamants, contre 47% pour les pays développés[14]
(la Russie est néanmoins le premier producteur mondial de très loin). Une fois
de plus, le « pillage » des diamants russes, canadiens, et
australiens ne suscite pas d’émotion particulière. Difficile à évaluer en
raison de fortes disparités entre les qualités de diamants, le bénéfice de l’extraction
de diamants en Afrique peut être chiffré à plusieurs milliards par an, ce qui
fait entrer autant de devises étrangères sur le continent.
c) Le pétrole.
Probablement la ressource qui
alimente le plus les fantasmes complotistes, au point qu’on pourrait se
demander s’il pourrait encore avoir des guerres au Moyen-Orient si l’Occident
abandonnait le pétrole au profit de la géothermie (la réponse est évidemment 100
fois oui malheureusement). Néanmoins, l’Afrique
joue un rôle très secondaire sur cette ressource. En effet, le premier pays africain
producteur de pétrole, l’Angola, arrive à la 14ème place des
producteurs mondiaux, produisant 6 fois moins de barils que la Russie et les États-Unis[15].
Quant au Gabon, souvent présenté comme l’exemple
des pillages perpétrés par la France, il n’arrive qu’à la 37ème
position des pays producteurs de pétrole. Notons par ailleurs que le baril de
pétrole se négocie autour de 50 dollars et qu’à ma connaissance, aucun
programme de pétrole gratuit distribué à la France n’existe de près ou de loin.
Enfin, car c’est souvent l’horrible Oncle Sam qui est régulièrement pointé du
doigt, il faut rappeler que les États-Unis n’ont un taux de dépendance à l’importation
de l’énergie que de 11,3%[16].
Il demeure que cette ressource
financière est importante pour l’Afrique qui produit tout de même 2,6 milliards
de barils par an, soit une manne de 133
milliards de dollars bruts à la revente, qui sont potentiellement autant de
devises étrangères qui rentrent facilement dans les pays africains.
3) Les exportations vers l’Afrique.
Les balances commerciales
africaines nous apprennent une chose : comment un pays qui importe plus
que ce qu’il exporte, pourrait-il être pillé ? En effet, pour faire simple
si au terme d’un échange vous recevez plus de marchandises que ce que vous donnez,
vous êtes bien le gagnant de l’opération par équivalent brut.
Poids de l’Afrique – Un autre argument souvent entendu concerne le
poids supposé des importations en provenance d’Afrique pour l’économie
française (et occidentale) qui sans ces importations serait ruinée ou que
sais-je. Là encore rien n’est plus faux. L’Afrique est l’avant dernier
partenaire commercial de la France. Chaque année, la France importe pour 23 milliards d’euros de marchandises africaines,
et exporte pour 29 milliards de marchandises vers l’Afrique[17].
C’est donc 6 milliards nets de marchandises françaises qui sont soustraites à
la France par l’Afrique (Un peu d’ironie : devrait-on parler de pillage de
la France ?). En comparaison, la France a importé 85,6 milliards d’euros
de marchandises allemandes, et 293 milliards aux pays de l’Union Européenne (de
grands pays spoliés par le capitalisme à n’en pas douter…).
Autre exemple à l’échelle d’un
pays africain : En 2014, la France a exporté vers le Sénégal pour 729
millions d’euros de marchandises, et importé du Sénégal 82 millions d’euros de
marchandises[18]. C’est
presque 10 fois moins. On peut donc en conclure que les échanges se font
quasiment à sens unique pour certains pays africains, et que la France ne
prélève pas grand-chose de la richesse produite par ces pays africains.
4) Bilan : des relations économiques
déséquilibrées.
Le bilan des relations
économiques entre occident et Afrique est sans appel : non seulement l’Afrique
n’est pas pillée par l’Occident, mais en plus les flux financiers démontrent un
transfert très important d’argent de l’Occident vers l’Afrique. En somme, l’Afrique bénéficie très largement
de l’argent des occidentaux. Si l’occidentalo-centrisme existait, alors il
serait fondé à se plaindre du pillage de l’Occident par l’Afrique. Toutefois la
course à la victimisation n’est pas l’objet de cet article. Car la grandeur d’un
peuple se mesure non pas à l’importance de ses accusations de l’autre, de sa
victimisation, de son négationnisme historique, de son déni, de son
complotisme, mais à sa capacité à se projeter dans l’avenir. Dès lors il n’y a
qu’un pas pour que l’Afrique connaisse un destin qui lui fera honneur, et qui respectera
les peuples qui travaillent à ses côtés, et qui au regard des bénéficies qu’ils
lui procurent, méritent mieux que se faire insulter de voleurs sans raison.
BILAN DES RELATIONS
ECONOMIQUES AFRIQUE / OCCIDENT
|
|
Origine des flux
|
Retombées pour l’Afrique
|
Transferts de la diaspora
|
82 milliards
|
Aide internationale
|
55 milliards
|
Dettes africaines effacées
|
84,6 milliards
|
Retraites françaises
|
2,3 milliards
|
Investissements étrangers
|
59 milliards
|
Achat d’Or
|
7 milliards
|
Achat de diamants
|
NC
|
Achat de pétrole
|
133 milliards
|
Déficit commercial avec la France
|
-6 milliards
|
TOTAL
en faveur de l’Afrique =
|
416,9 milliards (dont 333,2 milliards annuels)
|
NB : Certains chiffres sont
donnés bruts
[1] http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/04/21/remittances-to-developing-countries-decline-for-second-consecutive-year
[2] https://france.attac.org/se-mobiliser/faucheurs-de-chaises/article/quelques-rappels-sur-l-evasion-fiscale
[3] http://www.jeuneafrique.com/450215/societe/diaspora-dix-ans-largent-envoye-vers-lafrique-diaspora-a-progresse-de-36/
[4] https://www.oecd.org/dac/stats/documentupload/2%20Africa%20-%20Development%20Aid%20at%20a%20Glance%202015.pdf
[5] https://blogs.spectator.co.uk/2017/04/9824422/
[6] http://www1.wfp.org/
[7] http://www.afrik.com/article9231.html
[8] http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/12/01/20002-20151201ARTFIG00016-l-afrique-replonge-dans-l-endettement-a-outrance.php
[9] https://francais.rt.com/economie/43926-russie-efface-20-milliards-dette-pays-afrique
[10] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-09/20170920-rapport-securite-sociale-2017_1.pdf
[11] http://unctad.org/en/pages/PublicationWebflyer.aspx?publicationid=1782
[12] https://www.lesechos.fr/25/05/2017/lesechos.fr/030353085260_l-opep-prolonge-son-effort-de-baisse-de-production--les-prix-du-petrole-chutent.htm
[13] https://or-argent.eu/les-plus-gros-producteurs-dor-du-monde-par-pays-mine-et-societe/
[14] http://www.diamants-infos.com/brut/producteur.html
[15] https://fr.tradingeconomics.com/country-list/crude-oil-production
[16] https://www.eia.gov/
[17] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015391
[18] https://www.mays-mouissi.com/2015/12/30/analyse-echanges-commerciaux-entre-senegal-france/